Bavez mes cochons !

Publié le par Dr. Nevitch & Mad Hatter & Roger Milk



         Tel un vieux détective véreux, à qui les clichés d'amants culbutants et culbutés ne suffisaient plus, j'avais décidé en ce début de printemps, de mener une nouvelle investigation. Féru de sieste, je débordais de questions auxquelles il me fallait des réponses scientifiques.


La sieste est le moment privilégié d'une journée. Elle est la panacée pour une population envieuse de profiter d'un moment de répit. Et ce, malgré quelques inconvénients : taie d'oreiller dégueulassée, joue mouillée, canapé blanchi de liquide salivaire. Malgré ces prises de risques, les braves gens pressés ne semblent pas comprendre ceux qu'ils traitent de fainéants. Ils fustigeraient même ce moment de planitude suprême. Comme le remarque un brin nostalgique Jean-Marc, tenancier à Espigoule (lieu provençal d'échanges hautement philosphiques), « ah... Y'en a plus de bonne sieste di'1». Ce repos toujours (ndlr) mérité d'après repas est bien un instant-clé dans la journée. En ce sens qu'il fait le lien entre le midi et le début de l'après-midi. Certains y voient une perte de temps, d'autres un moment magique et appréciable où notre corps est laissé, las, sur un canapé le temps que notre esprit divague. Car la sieste est à part. Elle est à distinguer d'une nuit de sommeil. La sieste est salvatrice et magique. Il suffit juste de se laisser bercer par le début de la digestion. « Sieste » et « bave » sont alors étroitement liées. En effet, allongé sur le dos, vous êtes alors gentiment réveillé par une sécrétion buccale à 99% faite d'eau. Et c'est béat, tout en vous essuyant délicatement la bouche à coup de manche que vous apercevez confus cette petite tâche blanchâtre sur votre canapé. La tête encore embrumée, vous vous dites alors que cette sieste là valait vraiment le coup, une fois de plus.


Et vous avez raison! Car en plus d'être un instant de repos, la sieste est un excellent moyen de s'interroger sur notre corps. Et plus particulièrement sur un phénomène très important qu'est la sécrétion salivaire. Alors, pour tous ceux qui se sentent encore coupables de faire une sieste sous prétexte qu'ils n'ont pas le temps, qu'il faut faire la vaiselle avant, ou qu'ils n'ont pas assez travaillé pour la mériter, sachez qu'en tous cas, une sieste est toujours nécéssaire, parole de Roger Milk. Et à tous les détracteurs frileux qui vous reprocheraient votre production de bave trop importante, voici quelques arguments.


Tout d'abord, la sécrétion salivaire; celle qui dégoûte les dames puériles, cette bave échangée entre deux bouches adolescentes s'embrassant frénétiquement, ou ce liquide qui s'écoule péniblement après un vomi fluo de lendemain de beuverie est naturel. Sachez que la bave est commune à tous les êtres vivants hominidés. De Cro-Magnon à Homo Oeconomicus, l'Homme bave et bavera toujours. Comme la défécation ou autre acte qui peut apparaître d'emblée « sale », la bave a une fonction vitale chez l'Homme.


Puis, c'est en pleine introspection salivaire, suite à un énième vomi dû à un lever de coude trop brutal, que je je me suis souvenu d'une jolie minette rencontrée la veille (sacrée beuverie du reste!). Professeur de biologie nécrologique de son état, je souhaitais la rencontrer pour poursuivre une conversation qui avait été écourtée par mes manoeuvres maladroites de drague et/ou d'embrassades. Généreusement, et certainement pour se débarasser de moi, elle m'avait refilé son numéro de téléphone. Je pris donc l'initiative de l'appeler pour lui soumettre mes interrogations à propos de la bave. J'avais un besoin irrévoccable d'avoir des réponses à une question qui nous taraude tous : Pourquoi salive t-on lorsqu'on fait la sieste? C'est notre échange que je vous propose ici.

 

- Allo?

- Magdalena à l'appareil.

Je savais bien qu'elle avait un nom russkof, pensai-je.

- Oui! c'est Mr Roger Milk, nous avons fricoté ensemble hier soir... me la racontais-je mielleusement. 

- Qui ça? Je ne me souviens pas. 

- Je t'avais charmée et tu m'avais donné ton numéro de téléphone. 

- Ah oui, merde, je ne pensais pas que vous alliez rappeler sitôt. Que me voulez-vous? 

- Te revoir ma chérie. Discuter et puis peut-être que...

- Je ne suis pas ta chérie. T'as oublié ou quoi, j'ai un mec, alors lâche l'affaire gros !

Je repensais alors à ce vieil adage que m'avait raconté un cousin germain : c'est pas parce qu'il n'y a pas de gardien qu'on peut pas marquer de but.

- J'ai deux enfants, poursuivit-elle agacée. 

- Fichtre ! Bon, en fait, je vous appelle en tant que journaliste baroque de la Revue Callipyg

- Connais pas, s'énerva-t-elle, je crois que je vais raccrocher Monsieur... 

-...Mr Roger Milk. Alors, je sais que vous êtes une scientifique chevronnée. Et je souhaiterais avoir des informations sur un problème fondateur de notre société compemporaine. 

- Je vous écoute. 

- Pourquoi qu'on salive quand on fait la sieste? 

- Et en quoi est-ce un élément fondateur de notre société ? 

- Bah, je me demandais si c'était à cause de la trace sur le canapé que les gens ne faisaient plus la sieste le midi et donc qu'ils étaient de mauvais poil tous le reste de la journée. 

- Comprends rien, bonhomme... 

-...Mr Roger Milk. Alors, parlez-moi un peu plus de vous, et de votre salive, qu'est-ce que c'est ? 

- Bien !

Comme les grévistes des Chemins de fer, elle se résigna à enchaîner tel un service minimum :

- Alors ma salive est une sécrétion buccale permanente dont la production est augmentée par les odeurs, la vue, le goût, la pensée. 

- C'est pour ça que je salive à l'heure du déjeuner et quand je fais des rêves roses sur mon canapé ? 

- Oui, idiot. La secrétion salivaire est due aux parotides, les sous-maxillaires et les sublinguales. Ce sont des glandes situées au niveau de la bouche et du pharynx ; Elles fabriquent de la salive, que des petits canaux conduisent directement dans la bouche. En dormant sur le dos lors de la sieste, celle-ci s'évacue par la bouche grande ouverte à défaut d'être ravalée.

Intrigué, et voyant bien que je commençais à l'echauffer, je poursuivi mon interrogatoire :

- Et c'est à cause de ça que je fais des taches sur mon oreiller ?

- Bien, idiot. D'une personne à l'autre, la sécrétion peut varier de 500 à 1 200 ml par jour. La sécrétion de repos serait d'environ 100 ml par jour quant tu dors alors que la sécrétion stimulée serait environ dix fois supérieure. Tu me suis ?

- Oui... bien entendu, pour qui tu me prends ? hésitais-je.


En réalité, il me fallait abréger la conversation. Les informations récoltées sur sa bave m'av ait littéralement enlevé l'envie de poursuivre la conversation ; d'autant qu'elle était déjà maquée la tigresse.

- Je dois te laisser..., on reste en contact?

- Seulement si tu sais quel est mon prénom?

- Euh... allez salut, c'était Mr Roger Milk!.


Cette scientifique m'avait fait salement salivé. Il me fallait en savoir plus. Et en vue de convaincre les Anti-siestes baveuses, je devais poursuivre mes investigations. Je m'en suis donc allé interroger la Dr Wiki2, professeur baveuse convaincue et spécialiste de la sieste d'après- déjeuner. Avec celle-là, j'étais sûr de mon coup. Les mots « bave » et « salive » ayant le même sens, je constatai qu'elle les employait indistinctement. Et ce, même si la bave nous apparaît plus ragoûtante et plus « familière » que la salive.

Extraits choisis de l'entretien :


Pourquoi qu'on bave madame?


La salivation a plusieurs fonctions. La salive a pour rôle d'humidifier les muqueuses du système digestif supérieur, de participer aux premières étapes de la digestion et de faciliter la progression des aliments du pharynx à l'oesophage et à l'estomac. La bave, comme tous éléments repoussants du corps (tels que les poils) est très importante pour notre métabolisme. D'autant que la sécrétion salivaire à un rôle antiseptique. La bave protège des caries et protège l'oesophage.

Comment qu'on bave madame?


Le sécrétion salivaire est innée ou conditionnée, comme le montre l'expérience des chiens de Pavlov3. En ce sens, que la sécrétion de bave est un acte réflexe et peut être une composante culturelle et acquise. Elle peut donc être induite par notre pensée. La vue d'une belle boustifaille, peut nous faire saliver. Qui n'a jamais bavé devant un bon cassoulet ?


Pourquoi qu'on bave plus quand on fait la sieste (que lorsque l'on dort la nuit) madame?


Le débit de sécrétion montre des variations nycthémérales4 (minimum à 3h00, maximum entre 12h00 et 22h00). Ce qui explique ainsi qu'il y ait une sécrétion salivaire plus importante lors de la sieste d'après déjeuner : car pic de salivation, pensée divagante et pleine periode de digestion. S'endormir sur le dos facilite aussi la salive à s'écouler le long de la joue.


En résumé, que dire aux « baveux-sceptiques », et autres réfractaires de la sieste?


Dès que vous sentez que la fatigue arrive, lâchez prise, ne luttez pas, poussez l'assiette si vous n'avez pas le temps de vous étendre sur le canapé, et allez y, siestez. Laisser vous allez, sécrétez sans relâche. C'est important. Un philosophe, dont je ne me rappelle plus le nom, aurait même rétorqué à sa femme « baveuse-sceptique »: je bave donc je suis!


La preuve en est faite. La bave qui surfera sur votre bouche pour venir repeindre votre lit n'est plus à bannir. N'ayez alors plus peur de laisser votre empreinte salivaire sur les canapés visités après une bonne sieste tel un escargot. Vous pouvez baver librement avec une petite joie intérieure comme le sens du devoir accompli. La bave est naturelle, antiseptique, et aide à la digestion. La sécrétion salivaire est donc un droit à revendiquer. Laissez-vous bercer par tous vos souvenirs agréables, pensées gastronomiques, érotiques et autres. Allez-y, ne vous en privez pas. Bavez mes cochons !


Mr Roger Milk

 


1Extrait de Les 4 saisons d'Espigoule, film de Christian Philibert et interprété par les habitants de son village natal. www.espigoule.com/

2http://fr.wikipedia.org/wiki/Salive

3Ayant remarqué que les chiens avaient tendance à saliver avant d'entrer réellement en contact avec les aliments, il décida d'investiguer plus en détail cette « sécrétion psychique ». Il s'avéra que ce phénomène était plus intéressant que la simple chimie de la salive, et ceci le conduisit à modifier ses objectifs : dans une longue série d'expériences, il variait les stimuli survenant avant la présentation des aliments. C'est ainsi qu'il découvrit les lois fondamentales de l'acquisition et la perte des « réflexes conditonnels ». En 1904, Pavlov fut le premier Russe à recevoir le Prix Nobel. In http://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Pavlov

4Qui a rapport au nycthémère, à une durée de vingt quatre heures (un jour et une nuit).

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