Strip-Tease

Publié le par Dr. Nevitch & Mad Hatter & Roger Milk

Hommage à Terry la cloche

 

 

Ce n'était pas la première fois que j'entrais dans un club de strip-tease. Et certainement pas la dernière non plus. Ce genre d'endroit me rappelait la maison familiale, alors j'aimais particulièrement y poser mon cul et attendre le petit matin; ressortir ivre d'alcools, de poitrines, de paillettes et de chattes, délesté d'une bonne liasse de billets de banque ; contempler dans une flaque de gazole arc-en-ciel ma propre déchéance et à travers elle celle du monde tout entier. Oui, à cette époque j'aimais et je vouais la plus petite particule de mon existence à cette tâche immense et sans fin que sont les filles; quelles que soient leurs formes d'expression. Je me dévouais corps et âmes à ce spectacle lugubre et malsain, mais tellement beau. Animé par une sorte de fascination morbide, je regardais d'entre mes doigts, tous ces pleins et ces déliés s'agiter sous mon nez, et riait à pleines dents.

 

Ce jour là, c'était un mardi, je me suis mis d'emblée en tête de gondole, face à la scène. Et comme je venais de palper un maximum avec un pari sur un combat de catch, j'ai commandé une bouteille de champ'.

 

-Tu te refuses rien, vieux salaud, m'a fait un type à l'haleine vadémécum à côté de moi.

-Je vais rien te refuser non plus, j'ai dit en lui roulant des yeux ronds comme des billes de golfes.

 

Je lui ai servi un godet pour sceller notre partenariat dans cette aventure extraordinaire qu'est le strip-tease. Et puis, je lui ai servi un autre verre pour fêter une toute autre chose. Et ainsi de suite. On causait pas spécialement. On se contentait de regarder le spectacle, comme des pères de famille bien élevés. Et quand la bouteille à calanché pour de bon, j'ai levé le doigt et un type en goguette est venu nous en refiler une. La vie était bien faite en ce temps-là. D'autres filles sont passées, d'autres verres aussi et au bout d'un moment je commençais à douter sérieusement de ma capacité à glisser un billet de douze dans un slip en nylon résille. Et puis, ELLE est entrée sur scène. Je nous ai servi un verre en sautillant sur ma chaise comme un enfant à qui on tend un bonbon caramel. Ca m'a mis un sacré coup de fouet; j'étais de nouveau d'attaque, de retour parmi les soûlards et les vicieux, de retour parmi les vivants.

 

-Cette fille est incroyable, j'ai dit. Elle est fantastique, sa peau est tellement élastique que ça me file le tournis à chaque fois. Non mais regarde moi ça!

 

Des litres de sueur coulaient de dessous mes aisselles sans que j'y accorde la moindre importance. La lumière rose n'arrangeait rien et ma tête tournait avec l'impertinence d'une centrifugeuse de la NASA. Un chaman brésilien aurait appelé ça la transe, un médecin catholique un état éthylique. Mais pour moi, c'était assez proche de l'idée que je me faisais du bonheur.

 

-Enlève ton short, j'ai crié pour attirer son attention, enlève le!

 

La Fille, du haut de son podium, me dominait complètement. Elle me regardait dans les yeux si bien que j'avais l'impression qu'elle cherchait à lire l'étiquette de mon veston. « Enlève ce foutu short », grinçais-je. Je faisais mine de tirer dessus mais rien n'y faisait. Elle dodelinait son cul comme ces chiens qu'on met à l'arrière des voitures et ça me mettait dans tous mes états. Je m'épongeais le front à chaque mouvement de hanches. Cette fille savait y faire croyez moi. Elle savait parfaitement y faire. Chaque mouvement était calculé spécialement pour moi. Spécialement pour me mettre dans tous mes états. Et j'étais là pour ça.

J'ai fini par servir une coupe de champagne et la filer à la Fille. Elle l'a prise entre ses orteils et l'a portée à sa bouche, l'a bu d'un trait et l'odeur d'entre ses jambes est arrivée jusqu'à mon nez: j'ai hurlé « enlève ce putain de short! ». Et en un éclair je me suis retrouvé avec le morceau de tissu entre les doigts. Je le reniflais comme un chien des stups sur le périphérique nord. Seigneur Dieu, merci. Merci mon bon. Mais restait ce slip microscopique de la taille d'un paquebot. Dernier poste frontière avant l'éternité, un Styx de tissu made in China. Cette fille me rendait fou à lier et l'alcool complètement bourré. Enlève cette culotte s'il te plaît. Le truc en satin rouge m'envoyait des clins d'œil de lumière en pleine poire et je ne pouvais plus bouger d'un pouce. J'étais hypnotisé devant l'ondoiement spectaculaire de ce spectre spermiphile.

 

-Nom de nom, ENLEVE CETTE CULOTTE, j'ai braillé les mains en porte-voix.

 

Et comme pour lui montrer la marche à suivre j'ai entrepris de grimper sur le podium mais une espèce de type en trognon de pomme m'a fait expressément savoir que si je posais ne serait-ce qu'un doigt sur le machin je prendrais une rangée de phalanges en travers de la tronche. Je me suis ravisé et, pour calmer mes ardeurs, la Nana a bazardé sa petite culotte dans la salle et j'ai couru derrière comme un chien stupide après un bâton. J'étais comme fou, comme possédé tout entier par la qualité du spectacle, par la boule à facettes qui faisait glisser des morceaux de chair dans l'ombre, en illuminait d'autres comme sous la lumière d'un médecin légiste en plein autopsie. Mais je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin il m'en fallait plus. Il fallait que j'en sache plus, que j'en voie plus. Plus plus plus plus. PLUS! J'ai fourré la culotte dans ma poche et j'ai filé me resservir à boire tandis que la gamine, sur scène, semblait nous faire un remake naturiste de la danse des canards. C'était à couper le souffle. Je veux voir dedans! Vire moi cette peau. Enlève ta belle peau blanche et souple. Jette la moi dessus, je m'en ferais un boa, un truc chic et à la mode. Je me souviens avoir chanté « enlève ta peau pleeeeeease

Enveloppe moi

Enlève moiiiiiiii

Laisse/Laisse/Laisse... »

 

La fille ne s'est pas démontée pour autant et a commencé à arracher des morceaux entiers. Ah c'était quelque chose quand même! Et par endroit, on pouvait voir affleurer son muscle sternocléido-mastoïdien tendu comme un arc et l'arrête de son nez fin, délicat, blanc. Ses phalanges étaient de petits anges pressés qui s'afféraient à déchirer, couper, dépecer. Et, d'un coup, la salle s'est allumée.

-Waouh quel spectacle ! j'ai dit tous haut.

 

Mais le type à l'haleine de menthe fraiche s'était tiré. J'étais tout seul. Alors j'ai posé un billet de quarante trois sur la table et je suis sorti en titubant, groggy. J'ai passé la porte sans trop d'encombres et me suis écroulé dans le premier coin sombre. La lumière du petit jour me filait la nausée. J'ai posé un genou à terre, un peu comme un Jésus, et j'ai longtemps contemplé dans une marre d'eau croupie, extralucide, la déchéance du monde.

 

 

 

 

Une histoire du Baron M. Hatter, M. Ahmadinejad et V. Sanson. 


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F
<br /> <br /> C'est très bon ça, les gars! <br /> <br /> <br /> Mais ce n'est pas un trois mains, n'est-ce pas? Lequel d'entre vous trois a commis ce texte? Lequel a entrepris de chercher dans la danse lascive d'une beauté plastique la déchéance du monde, et<br /> le surgissement d'une vérité nouvelle dans la contemplation d'une peau que l'on voulût détachée de la chair?<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Bel hommage !<br /> <br /> <br /> "Nous vous rappelons que vous êtes responsable du contenu des commentaires que vous publiez.<br /> Votre adresse IP (79.93.10.197) sera archivée." SANS COMMENTAIRE<br /> <br /> <br /> Suggestion : la mention ci-dessus peut vous inspirer un prochain papier.<br /> <br /> <br /> Salutations, Con'voyeur d'Anges Heureux.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Bel hommage !<br /> <br /> <br /> "Nous vous rappelons que vous êtes responsable du contenu des commentaires que vous publiez.<br /> Votre adresse IP (79.93.10.197) sera archivée." SANS COMMENTAIRE<br /> <br /> <br /> Suggestion : la mention ci-dessus peut vous inspirer un prochain papier.<br /> <br /> <br /> Salutations, Con'voyeur d'Anges Heureux.<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Merci mon bon.<br /> <br /> <br /> nos locaux sont pour le moment désertés fautes de titres de transports valides et de temps aussi un peu. Nos papiers se font donc rares. J'ai pas saisi l'histoire de l'adresse HIP/ mais<br /> l'informatiue me file la gueule de bois.<br /> <br /> <br /> Callipygement.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Lilith.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Très bon!!!<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Merci/t'es pas mal non plus.<br /> <br /> <br /> <br />